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A Burden Consumed in Sips (2023) est une installation vidéo immersive composée de 22 panneaux de 3 mètres de haut, sur 33 mètres de long.
Cette œuvre puise son origine dans les archives de la peintre et photographe allemande Marie Pauline Thorbecke, qui accompagna, entre 1911 et 1913, une expédition au Cameroun menée par son mari, le géographe Franz Thorbecke, pour le compte de la Société Coloniale allemande.
Après avoir découvert la violence des dessins de Thorbecke, vidés de presque toute forme humaine, l’artiste se décide à partir à la rencontre de ces paysages esseulés dessinés à l’encre noire. En décembre 2022, elle se rend au Cameroun remonter le chemin de l’expédition coloniale entreprise 110 ans plus tôt.
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Là où les Thorbecke avaient sillonné le territoire pour collecter des objets et documenter ses habitants au profit du projet impérial, l’artiste engage un projet de restitution symbolique : elle transporte, tout au long de son chemin, des reproductions d’objets et images issus des collections du Rautenstrauch-Joest Museum à Cologne, étudiés lors de sa résidence d’artiste.
Dans cette installation magistrale, panneaux après panneaux, l’artiste vient par une superposition vidéo s’inscrire dans les dessins de Marie Pauline Thorbecke. Elle fait corps avec l’image, lui redonnant vie, rallumant les couleurs de ces paysages un à un, mêlant aux archives sonores de la collection du musée les enregistrements qu’elle a effectués sur place.
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Projeté grandeur nature, le film invite le spectateur à marcher aux cotés de l’artiste, alors qu’elle transforme cet héritage colonial. Le “Burden”, ce poids du passé, ne s’observe plus à distance, mais, gorgée après gorgée, il se vit, nous incitant à participer à la réparation de notre histoire collective.
Lebohang Kganye
A Burden Consumed in Sips, 2023
22 Video panel installation
Dimensions variable 26-33 meters
Edition of 5 + 2AP
(#1/5)115,000 € HT
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Full film: https://vimeo.com/
821831767?share=copy Password: BurdenConsumed2023
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LEBOHANG KGANYE: UNE TISSERANDE DE LUMIÈRE
Une silhouette solitaire, visiblement accablée par la charge d’un sac lourd foule le chemin érodé d’un panorama de 22 panneaux vidéo. Elle avance à grand-peine et transmue la topographie désertée d’une collection de dessins, aux diverses teintes de jaune, presque complètement dépeuplée, et son arrivée infléchit successivement chaque tableau, du fait de l’oscillation de son corps en mouvement permanent. À la manière d’une artiste-alchimiste itinérante, elle transforme la surface / le paysage (mono)chrome de chaque tirage. La force perceptible de sa présence physique, de son toucher, modifie et influe sur chaque écran, tandis qu’elle franchit un territoire qui ne lui appartient pas et qui change, au fil de sa traversée, d’une image esquissée à la main à une représentation basée sur l’objectif.
Dans l’installation vidéo immersive A Burden Consumed in Sips (2023), une enquête archivistique devient une expédition cinétique de juxtaposition où, remontant le passé, Kganye bouleverse et décolonise l’œuvre de la peintre et photographe Marie Pauline Thorbecke, auteure des impressions / impositions d’arpentage effectuées en 1911 au cours d’une mission ethnographique au Cameroun, pour le compte de la Société coloniale allemande.
Galvanisée par un paysage sonore qui, s’intensifiant au fil des scènes, monte peu à peu en un crescendo d’incantations et de répercussions, la protagoniste du film se déplace stoïquement dans chaque représentation, s’inscrit dans les dessins d’arpentage dépeuplés avec une violence inouïe par leur première architecte, par la main de l’illustratrice impériale qui avait gommé / déplacé leurs habitants indigènes. La croisade interventionniste de l’artiste culmine dans son rapatriement symbolique des butins de l’expédition – représentés sous forme de terre et d’objets, restitués symboliquement 110 ans plus tard. Il s’agit d’un geste ré/générateur, compensateur, d’une invocation poignante adressée aux échos persistants d’extraction impériale et à la circulation de « collections ethnographiques » entreposées dans des musées européens, autant de cultures matérielles et d’objets appartenant aux anciennes colonies africaines.
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Assombrissement et jugement, les croquis à l’encre de Thorbecke qui vibrent d’un passé colonial sont poétiquement subsumés dans les compositions contemporaines de Kganye, jusqu’à une complète annihilation. À mesure de son empiètement sur chaque esquisse, à la fois estampillée et animée par sa présence, l’œuvre pose des questions pertinentes sur la propriété et la restitution ; sur la terre et les objets, les êtres et les histoires, ainsi que sur la capacité d’agir des femmes et le regard féminin impérial jeté sur les territoires assujettis. Qui doit porter ce fardeau, à qui échoit l’aptitude à une réaction, dans le but de compenser, graver et regraver ?
Ses efforts dans chaque frame, composée avec soin, reconstituée avec minutie – toujours en mouvement, dans le cadre duquel elle se ressaisit et récupère ses affaires, encore et encore – font penser à l’essai de référence d’Ursula K. Le Guin The Carrier Bag of Fiction (le Fourre-tout de la fiction), où elle présente le premier équipement culturel comme un « récipient » – ou un vecteur sous diverses formes. « Une feuille, une calebasse, une coquille, un sac, une écharpe, une besace, une bouteille, un pot, une boîte, un contenant. Un support. Un récipient, » écrit-elle, « débordant de perpétuels commencements, d’initiations, de pertes, de métamorphoses et de traductions. » Comment poursuivre notre chemin la tête haute avec notre fourre-tout rempli d’une accumulation de « choses » et d’expériences vécues, tant personnelles que politiques ? Quelles questions urgentes, primordiales – ou réponses – contient-il ? Quelles histoires tues – autant de fardeaux – continuons-nous à porter en nous ? A qui appartiennent-elles ? Quelles sont les histoires anciennes que nous devons préserver, divulguer, et les inédites que nous devons créer ?
- Extrait du texte de catalogue par Renée Mussai.
Renée Mussai est commissaire indépendante, autrice et chercheuse en culture visuelle, basée à Londres. Ancienne conservatrice principale et responsable des collections chez Autograph, elle est actuellement chercheuse senior associée au Centre de recherche sur les identités visuelles dans l’art et le design (VIAD) de l’Université de Johannesburg, chargée de cours invitée à l’University of the Arts London et au Sotheby’s Institute of Art, commissaire invitée à la Barnes Foundation, et présidente du conseil consultatif de la Deutsche Börse Photography Foundation.
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L’œuvre peut être installée dans plusieurs formats différents, avec une largeur variant de 26 à 33 mètres, et dans des formes diverses, telles qu’une forme en V, une ligne droite ou un écran courbé, selon l’espace d’exposition disponible.
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Lebohang Kganye (sud-africaine, née en 1990) utilise la photographie, la vidéo et les médias mixtes pour créer des œuvres profondément documentées qui superposent l'historiographie, la théâtralité, l'autobiographie et la poétique dans des installations souvent sculpturales. Le nom de l'artiste est étymologiquement lié au mot Sotho pour la lumière, "kganya", et apporter de la lumière et de la vie à des histoires postcoloniales stratifiées est un fil conducteur dans sa pratique.
Elle est lauréate du prix de la Fondation Deutsche Börse, 2024, pour son exposition Haufi Nyana ? I've Come to Take you Home, qui a eu lieu à Foam, Amsterdam (2023). Parmi les autres récompenses récentes notables, citons le Foam Paul Huf Award, 2022, le Grand Prix Images Vevey, 2021/22 ; et le Camera Austria Award, 2019.
Elle a récemment exposé à TATE, à la Fondation Barnes, à l'Art Institute of Chicago, à la Yale University Art Gallery, etc. En 2022, Kganye a été l'un des trois artistes exposés dans Into the Light, le pavillon sud-africain de la 59e Biennale de Venise.
Les œuvres de Kganye font partie de collections publiques telles que la Smithsonian Institution, l'Art Institute of Chicago, le Getty Museum, le Museum of Fine Arts, Houston, le Musée d'Art Moderne de Paris, le Victoria and Albert Museum, la Verbund Collection, la Walther Collection et le Carnegie Art Museum, entre autres.
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LEBOHANG KGANYE | A BURDEN CONSUMED IN SIPS (2023)
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