UN ARBRE À SOI: GENEVIEVE LEVIVIER
Les mains dans la matière, Geneviève Levivier rend indissociables l'acte de glaner et celui de créer, initiant un rituel qui lie le corps et l'esprit, la Nature et le Soi. En glanant de plantes, des textiles recyclés, des reliquats de fibres naturelles, ou des pages de textes classiques de la bibliothèque familiale parmi d'autres découvertes qui l'interpellent, elle fait naître une histoire différente de celle, physique, des matériaux convoqués, à l'image du « Soi » interconnecté et dynamique en psychanalyse.
Car glaner, ce vocable riche de sens, évoque aussitôt les actes d'amalgamer, d'agglomérer, d'agréger, ouvrant la porte aux expérimentations transformatrices de cette artiste protéiforme. Ses processus alchimiques repoussent les limites techniques dans une danse de la matière, qui prend vie de façon instinctive sous ses doigts.
Par le biais des matériaux organiques et textiles, comme par le motif récurrent d'écorces d'arbres qu'elle photographie et rend abstrait dans ses œuvres, Levivier vivifie le lien avec la Nature et la matérialité de ses éléments. Les veines de cet Arbre, qui se lisent en filigrane de ses tissages et gravures au laser, nous reconnectent à nos racines profondément ancrées ici-bas, à l'aspect englobant et réticulaire de la Terre, qui fait si cruellement défaut dans notre monde en crise.
Et si la Nature est sa source première d'inspiration, convoquant l'horizon lumineux d'une clairière ou l'éblouissement enivrant de la neige, elle dit aussi la fonte des glaciers angoissante, les bois brûlés des grands feux stupéfiants, la nuit déchirée par la folie des hommes sans humanité... Car le Soi est tout cela à la fois, et le textile, à la fois souple et enveloppant, sculpté et torturé, symbole d'humanité et d'histoire, dit un peu de ce monde que nous espérons désespérément meilleur.