ROYAUME PAGURES: ELSA GUILLAUME

Les aventures qu’aime à nous conter Elsa Guillaume à travers ses sculptures et dessins sont toujours la promesse de lointaines expéditions au creux des mers et des océans. Un monde d’avant notre monde, quand nous autres, hommes et femmes, n’avions pas encore mis tout à fait pied à terre. Ainsi s’attache-t-elle à nous faire découvrir ou redécouvrir la profondeur des abysses, devenus à nos yeux aussi mystérieux qu’inatteignables.

Bien loin d’une émouvante mais sombre dystopie, c’est plutôt à l’art de la fable qu’emprunte ici l’artiste, pour mettre en scène la petite odyssée contemporaine de quelques valeureux pagures. Ou peut-être, à voir ce chevalier des mers hautement « carapacé », et sur cette embarcation dignement allongé, s’agit-il d’un dernier voyage ?

Peu importe la destination, qu’elle soit vers un ailleurs meilleur, terre depuis longtemps promise, ou bien celle de son ultime traversée, c’est au cœur de l’archéologie fictive, mémoire romancée d’un royaume ancien et oublié, qu’Elsa Guillaume puise sa dramaturgie.

Curieux animal pouvons-nous penser que cet intriguant crustacée auquel elle donne le premier rôle, fier guerrier muni de pinces aiguisées et tout à la fois organisme mou, devenu si fragile une fois quitté sa coquille à un voisin mollusque empruntée. Mais sans doute est-ce là la belle image, la métaphore aimablement dessinée qui de ce petit roi des mers passant sa vie durant à courir de palais en palais, en fait le héros contrarié de notre monde moderne en perpétuelle migration.

 - Texte par Jean-Marc Dimanche