ILLIMITES: SAHAR SAADAOUI

11 Mars - 7 Mai 2022
Présentation

Née en 1986, la Bruxelloise Sahar Saâdaoui expose pour la remière fois à La Patinoire Royale. Cette fois en solo, avec distinction. 

Extrait du journal La Libre Arts, écrit par Roger Pierre Turine Publié le 23-03-2022.

Sahar Saâdaoui répond à une deuxième invitation de la Patinoire Royale | Galerie Valérie Bach, après sa participation remarquée à l'Opus 1 de Young Belgium 'Ineffable', qui regroupait fin 2020 début 2021, en pleine pandémie, de jeunes artistes belges ou travaillant en Belgique. Leur production était en lien avec cette inexpressible réalité de l'émotion, l'Ineffable, qui impose le silence, non pas tant parce qu'il n'y aurait rien à en dire, mais davantage parce que parait indicible l'immensité de ce que l'on pourrait en dire.
 
Avec cette deuxième exposition, intitulée ici « Illimités », Sahar Sadaoui prolonge notre plongée dans son univers fait de silence, de finesse, de transparence, où tout n'est qu'effloré, effleuré, évanescent, diaphane, à travers la production d'œuvres connues, ses célèbres alphabets codés, sous ses formes de rouelles ou de patchworks cadrés, mais aussi d'œuvres toutes récentes, damiers et grilles, le tout exprimé au moyen de ce textile qui fait son langage, ce fameux pongé de soie, comme autant de pétales floraux, dont la pureté et la fragilité convoquent des univers parallèles et cryptés.
 
Car sous l'apparente douceur et légèreté de sa proposition artistique, se révèle, comme à travers le voile qui en est la matière, une autre réalité, celle bien structurée et objective du code, de ce langage bien à elle, qu'elle utilise depuis ses débuts, pour « encoder » la réalité. Cette réalité qui nous entoure, et dont la Phénoménologie de la Perception de Merleau Ponty nous apprend qu'elle peut être à la fois transcendantale et subjective, est marquée au sceau de la complexité, de l'aléatoire et de l'incontrôlé. Dans la réalité, tout n'est que surgissement, hasard, surprise; tout échappe à la règle, à la constance, c'est le fameux « Panta Rei » pré-socratique, le « tout coule », l'impermanence étant la seule constance du monde. De cette inconstance peut naitre un sentiment de chaos désorganisé que l'artiste va tenter d'ordonner.
 
Par son travail de code, et suivant le principe du Verbe Créateur, de l'Alpha à l'Oméga, Sahar entreprend de codifier l'alphabet latin des 26 lettres et d'ainsi, poétiquement, embrasser le monde entier en ce que le mot crée la chose. Si le mot est codé, la chose, et donc la réalité tout entière, se soumet à son code; à ce moment, l'artiste dit le Tout et s'y inscrit comme la scribe délicate de toute langue dicible face à l'indicible.
 
Ses damiers et ses grilles renvoient aussi à la notion de leu, très présente dans ce travail de cryptage, un peu comme lorsqu'enfant nous essayions de faire passer des messages au travers de mots codés, repris sous forme de grilles. Le damier n'est-il pas, par excellence, l'espace symbolique du jeu ?
 
Dans ses cercles agrégeant différentes formes, divers détails, l'artiste décortique la variété des motifs, et reforme les formes, afin de retrouver l'ordre premier, un peu comme quand on met de l'ordre, précisément, dans le jeu désordonné d'un domino mélangé. Toutes ces chutes textiles qui, telles des matrices, tombent au sol après être découpées et séparées des lettres en positif, ainsi extraites du support plane, sont autant de clins d'œil, de dessins, qui montrent aussi comment l'artiste reste attentive à la notion d'amusement, de fantaisie, qui préside à sa création, un peu comme un enfant qui explore le possible, lui qui est l'incarnation vivante d'un jeune univers en soi, et qui est donc, nécessairement... illimité.