IN PERPETUITY: TRON GIA NGUYEN
Trong Gia Nguyen est un artiste américain basé à Bruxelles. Dans sa pratique, il aborde régulièrement des thèmes tels que les jeux de pouvoirs, les conflits incessants, la misogynie persistante ou l’érosion des droits civiques. Dans son exposition In Perpetuity, l’artiste se concentre sur la normalisation de la cruauté et les cycles ininterrompus de trahison et de violence. L’exposition se compose de deux séries de peintures, une série de sculptures, et une vidéo.
Dans Perpetual Painting (Peinture Perpétuelle), l’artiste dépeint une table ridiculement longue, traitée comme un assemblage de natures mortes. Celles-ci sont inspirées d’images directement récoltées dans l’immense bibilothèque en ligne pour les impressions 3D. Une communauté d’utilisateurs mettent en ligne sur Google des modèles d’objets directement identifiables et exploitables pour des imprimantes 3D. Nguyen a créé un ensemble de peintures modulaires de taille égale, qui assemblées forment une seule table. Une table qui peut donc varier en longueur, avec la possibilité de s’étendre à l’infini... Non sans rappeler les tables grotesques autour desquelles Vladimir Poutine reçoit ses interlocuteurs, renforçant par cette mise en scène ridicule son pouvoir sur ses subalternes. A l’exception des tableaux qui représentent les extrêmités, tous les panneaux centraux peuvent être interchangés formant alors de nouvelles compositions. Les objets ou les modélisations que l’artiste incorpore sont le fruit de ses recherches via des mots clés simples comme «dictateur», «roman à l’eau de rose», «peinture kitsch » ou « chat qui dort ». En se réfugiant dans un monde digital plus fluide qui échappe aux limitations, Nguyen a choisi de remettre en ligne sa création dans la bibliothèque 3D sous la forme d’un fichier unique, qui permet aux utilisateurs de télécharger ‘Perpetual Painting’ et de la scruter sous tous ses angles, voir même d’en modifier l’agencement. Par cet acte, l’artiste nous emmène au-delà de l’arrêt sur image que constitue une peinture dans notre monde matériel.
La seconde série de peintures, Les Diaboliques, tire son titre d’un recueil d’histoires courtes écrites en 1874 par Jules Barbey d’Aurevilly. Dans chaque histoire, l’auteur met en scène une femme qui commet un acte de violence, une vengeance ou un crime.
Dans cette série, les peintures de Nguyen sont des représentations littérales des lignes anthropométriques utilisées pour mesurer un.e prétedendu.e coupable dans les commissariats. Les sources de l’artistes sont multiples, on citera par exemple l’affiche du film ‘The Usual Suspects’ ou encore une photographie de Weegee.
Les mesures verticales sont 100 % exactes, et elles sont accrochées au mur en respectant la bonne hauteur. Ces peintures peuvent donc littéralement et mathématiquement estimer le « quotient de culpabilité » de chaque spectateur. L’artiste choisit de les peindre exactement de la même couleur que le mur auquel elles sont accrochées, usant ainsi d’un stratagème qui joue sur l’effacement et la dynamique du pouvoir, qui rendent d’autant plus mystérieuse l’histoire et la provenance de l’œuvre. Les lignes et les chiffres sont extrudés des surfaces et restent visibles après chaque couche de peinture, mais leur passé est à jamais capturé sous les aplats de couleur. Un passé qinvisible à l’œil du spectateur mais tapi sous les couches picturales. Pour leur installation dans la galerie, l’artiste a choisi des couleurs saturées qui dégoulinent en textes suggestifs, offrant ici un contre-pied cynique à toute la subtilité initialement évoquée. Une manière de souligner que le populisme n’est pas l’apanage de la classe ouvrière.
Executive Orders (Décrets Présidentiels), est une projection vidéo qui montre en boucle un électrocardiogramme qui trace la signature cartoonesque de Donald Trump. Le titre fait référence à la facilité avec laquelle le Président signa des décrets ayant force de loi. En lieu et place du « bip » traditionnel, le cardio autographe de Trump est ponctué d’enregistrements de coups de feu, faisant allusion à la rapidité d’action et l’abus mortel de pouvoir dont peut faire preuve un despote envers son peuple, d’un seul coup de stylo. Sur ce même thème des armes à feu, l’artiste a installé des boîtes contenant des armes imprimées en 3D, en pièces détachées, dont les notices de montage peuvent facilement être téléchargées sur internet. Les boîtes sont fermées par du plexiglas dans lequel sont gravées des phrases telles que « In Case of Insecure Patriarchy » (en cas de patriarcat instable) ou « In Case of Spiritual Identity Theft » (en cas de vol d’identité spirituelle).
Evoquant les « en cas d’urgence, brisez la glace », elles sont un appel urgent contre la désinformation issue d’un patriarchattoxique et l’apathie qui souvent l’accompagne, l’un et l’autre empêchant toute possibilité d’un monde plus équitable et plus sain.
Si le mal, la violence et la cupidité ne sont que des normes sociétales, quelles mesures radicales envisager pour neutraliser une telle folie ?