ABSTRACTION IN PEACE TIMES (1945-1975): Abstractions en temps de paix (1945-1975)

6 Septembre - 7 Décembre 2019
Présentation

Commissariat Général : Serge Goyens de Heusch

Scénographie : Art&Build Architect, Brussels - Paris

 

APPARITION D’UNE NOUVELLE ABSTRACTION AU SEIN DE LA JEUNE PEINTURE BELGE

La présente exposition organisée à Bruxelles par la Galerie La Patinoire Royale Bach, présente un aperçu exceptionnel de ce que fut l’abstraction belge entre 1945 et 1975. C’est au sein de l’association Jeune Peinture Belge (1945-1948), constituée à Bruxelles par l’historien d’art Robert Delevoy, qui compta douze artistes fondateurs, puis une trentaine d’autres, qu’apparurent les premières manifestations abstraites. Parmi ces artistes, on pouvait observer une progressive préoccupation : transformer le réel en fonction de critères purement plastiques et d’une plus grande subjectivité de l’émotion, jusqu’à ne plus jouer que sur les seuls pouvoirs émotionnels de la forme et de la couleur. Les individualités s’affirmant, on put constater que l’abstraction allait alors s’organiser en deux familles presque antagonistes : la première, apollinienne, se dirigeait vers la construction, la géométrie et l’aplat de la couleur ; la seconde, dionysiaque et qualifiée de lyrique, se soumettait d’abord aux impulsions émotives et s’abandonnait volontiers à la virulence de la couleur éclaboussée, en même temps qu’au geste libre de la touche. Jo DELAHAUT (1911-1992) fut le premier, en 1946, à se convertir à l’abstraction géométrique, usant d’espaces-plans réalisés de surcroît par des couleurs en aplats, affirmant sans ambages que le sujet n’est rien d’autre que la peinture elle-même, un credo qu’il vivra en diverses variations durant plus de cinquante ans. De son côté, Gaston BERTRAND (1910-1994), l’un des fondateurs-vedettes de La Jeune Peinture Belge, séduit par l’architecture et les représentations mathématiques, s’essaya dès 1946 à des compositions qui n’ont qu’un objet : la poésie des formes géométriques. Les abstractions qui allaient ensuivre, Bertrand les tira toujours d’une décantation-sublimation des sites qu’il observa et annota lors de ses nombreux voyages.
Quant à l’abstraction de type lyrique, elle fut inaugurée en Belgique, dès 1947, par l’autre vedette de La Jeune Peinture Belge, Louis VAN LINT (1909-1986). Particulièrement sensible à la nature d’où qu’elle vienne et entendue dans ses formes primordiales, l’artiste va la transposer durant quarante ans en une écriture leste qui n’appartient qu’à lui, dans un lyrisme chargé des voix de la terre et du cosmos. Cette abstraction lyrique, on en observe l’apparition chez quelques autres acteurs de La Jeune Peinture Belge, puis dans la mouvance du groupe Cobra (1948-1952), principalement chez Pierre ALECHINSKY (1927), dont l’écriture extraordinairement expressive, influencée sans doute par la calligraphie extrême-orientale, lui a conféré une aura internationale. Cette option abstraite de nature lyrique, on la constate également chez Jean MILO (1906-1993), lui qui ne rêvait aussi que d’équivalences plastiques face à l’émotion de la nature ; également chez Anne BONNET (1906-1960), qui visa à extraire de leur gangue figurative, les thèmes qu’elle traita. De même que chez Mig QUINET (1906-2001), adepte toute jeune des couleurs vives et contrastées, qui balaya ses compositions abstraites d’éclaboussures accrochant une lumière cruelle.

 

UN CERTAIN EXPRESSIONNISME ABSTRAIT

L’abstraction lyrique en arriva même à ce qu’on appela « l’expressionnisme abstrait ». Tel fut le cas d’un Antoine MORTIER (1908-1999). Réalisés dès 1950 dans des dessins en larges traits dramatiques et en gestes vigoureux, l’artiste poursuivra le primitivisme du signe et l’exubérance maîtrisée du geste. On pourrait en dire autant de son cadet Englebert VAN ANDERLECHT (1918-1961) qui, labourant le champ pictural, se lança dans des assauts d’une audacieuse sténographie monumentale. Comme chez son ami, Serge VANDERCAM (1924-2005) avec qui il « partagea » certaines peintures, et pour un temps chez leur cadets Pierre LAHAUT, Charles DRYBERG, Gisèle VAN LANGE. A rapprocher également de cette tendance l’œuvre d’un Maurice WYCKAERT, dont le paysagisme abstrait allait se chanter à travers les couleurs les plus vives et contrastées.


L’ATTRAIT DU « MATIERISME » ET PREDOMINANCE DU SIGNE-ECRITURE

Au cours des années 1950-1960, l’entrée en abstraction de certains artistes belges se conjugua à une intégration, aux pigments traditionnels, de matières diverses, souvent d’origine minérale comme le sable ou le plâtre. Tel fut le cas de Marc MENDELSON (1915-2013), mais aussi de son aîné René GUIETTE (1893-1976), qui continuera d’incorporer le sable à ses abstractions informelles aux signes et graffiti inspirés par la pensée zen. Egalement chez Berthe DUBAIL (1913-1984), Suzanne THIENPONT, Luc HOENRAET, Bram BOGART. Mais encore chez leur cadet Walter LEBLANC (1932-1996), lui qui, outre l’intégration de sable, combina d’autres stratégies matiéristes par couture de fils, piqures d’aiguilles, ce qui lui conduisit à ses alignements dynamiques intitulés Twisted Strings.
Dans ces nouvelles expressions abstraites, parfois la ligne et l’écriture prévaudront à tout le reste. A cet égard, un exemple à nul autre pareil : l’œuvre de Christian DOTREMONT (1922-1979), le créateur du mouvement Cobra. Ce poète se mit à transposer plastiquement à l’encre de Chine ses propres poèmes, ce qu’il appela des Logogrammes. A son exemple, Jacques CALONNE, musicien et compositeur de son état, poursuivit la même démarche. Mais lorsqu’il s’agit d’écriture et de signe, comment ne pas penser d’abord à Jules LISMONDE (1908-2001) ? Lui, qui privilégia le fusain, pour en arriver vers 1958 à des abstractions qui, selon une dialectique qui n’appartient qu’à lui, conjugue statisme des droites à des rayonnements de courbes. Sans parler de ses multiples Signes calligraphiques à l’encre qu’il créa dès 1960.


RETOUR A L’ABSTRACTION GEOMETRIQUE : LE GROUPE ART ABSTRAIT, ET PLUS

A la mouvance géométrique abstraite, appartient en priorité l’œuvre de Luc PEIRE (1916-1994), qui trouva son langage dans « la célébration altière de la verticalité ». Mais en 1956, Jo Delahaut et Jean Milo réunirent autour d’eux une vingtaine d’artistes belges, sous obédience plutôt géométrisante, qu’ils appelèrent tout simplement Art Abstrait. De nombreuses expositions furent
organisées sous cette enseigne. Mais il y avait aussi une tendance nouvelle, ignorée par ceux-ci, que l’on pourrait qualifier de « minimaliste ». Ainsi apparut l’œuvre d’artistes tels Dan VAN SEVEREN (1927-2009), Marthe WERY (1930-2005), auxquels on pourrait ajouter Jef VERHEYEN, Raoul DE KEYSER et Mark VERSTOCKT. Sans compter d’autres adhésions belges à l’abstraction, comme celles d’Elie BORGRAVE, Roger DUDANT et Gabriel BELGEONNE.


MODE D’EMPLOI

L’exposition propose un parcours évolutif, allant d’un pôle à l’autre, partant d’un minimalisme absolu, passant par le géométrique, et aboutissant au lyrisme le plus expressif, ou inversement, suivant le sens de la visite, de part et d’autre de la nef de la Patinoire royale. A l’étage et au rez-à-rue, se trouvent encore d’autres œuvres illustrant ce propos, réunies suivant les supports ou les modes d’expression.
Un petit film explicatif reprenant les propos de Constantin Chariot, au sous- sol, éclaire d’un jour complémentaire l’exposition.
L’exposition personnelle consacrée au sculpteur Jan DRIES (1925-2014), dans la verrière, ajoute à cette abstraction peinte un complément sculpté, toujours belge, particulièrement pertinent et sensible.


PROPOS SCENOGRAPHIQUE

L’Art et le Vivant, par Art&Build Architect, Bruxelles - Paris

La biophilie, du grec « bio » (la vie) et du suffixe « -phile » (qui aime), est le fait d’aimer le vivant. Ainsi, l’architecture s’intéresse particulièrement au sentiment de bien-être qui nait de la perception de tout ce qui est naturel : lumière, matériau, végétal, eau,...

Le cerveau émotionnel, alors stimulé positivement, nourrit le cerveau cognitif, pour créer les conditions de la créativité, de l’interaction entre les individus, de l’épanouissement individuel et collectif.

De la même manière, l’art participe à cette alchimie sensitive et cérébrale, bénéfique à l’être humain dans toute sa complexité. La scénographie se joue de cette analogie entre l’art et le vivant.

Le végétal accompagne la déambulation, pour créer un sentiment de bien-être au travers des couleurs, des matières, des parfums. Tandis que l’architecture structure la pensée du propos muséographique.

Les cimaises sont organisées sur une trame rigoureuse. Un cadre fonctionnel, mais aussi sans contrainte, propice à l’expression, des artistes comme des visiteurs. Un parcours libre, qui ménage les perspectives comme autant de surprises. Une scénographie résolument sobre et épurée, pour laisser l’imaginaire faire son œuvre.

Vues de l'exposition