L'EVIDENCE DU PRINTEMPS: JEAN MILO

L'exposition consacrée par la Galerie La Patinoire Royale Bach à Jean MILO (1906 - 1993) s'inscrit dans le tropisme de la galerie vers l'art belge, en général, et vers la peinture belge, en particulier, suite à la grande exposition Painting Belgium (2019) qui avait déjà largement rappelé son existence au public.

Telle une plante qui eurirait toute l'année, l'œuvre de Jean MILO illustre une e orescence printanière linéaire et continue, qui irradie sans jamais décliner, tout au long de sa carrière d'artiste. Relevant de la nécessité pulsionnelle, quasi vitale, cet acte de peindre se traduit tous les jours et en tous lieux. Comme chez Bonnard, Dufy, Matisse ou son ami Tytgat, au cœur même de sa création se trouve un réacteur de couleurs chatoyantes ou harmoniques, en permanente ébulition, dans lequel se mélangent une ode à la joie, une pétillance intarrissable, une expression in nie de gaité et de vie.

L'œuvre panthéiste de MILO (cette œuvre) célèbre l'optimisme et l'organique complexité de la nature, à laquelle elle est vouée toute entière. A aucun moment, l'artiste n'a suivi la mode, mais il a accompagné son siècle, se livrant à di érentes expériences illustrant le fauvisme, le cubisme, l'expressionisme, l'abstraction lyrique et gestuelle, et ce que l'on a justement quali é à son endroit d' « impressionnisme abstrait ». Homme de son temps, il a vécu dans et avec la modernité, ne cherchant jamais le succès ou la complaisance commerciale, et préservant comme le plus précieux des trésors la magie et la fraîcheur de l'enfance.

Voulant être lui-même, avant tout, il cherche une intime complicité avec la matière, fuit l'ascétisme du concept et se repaît du contact charnel avec le monde, évitant les automatisme d'une abstraction lyrique qui serait faite de répétitions, de ré exes et d'habitudes, au pro t d'une expérimentation sans cesse renouvelée, spontanée, profuse. Vivi ant sa peinture d'une activité d'écriture poétique et d'édition, toute l'œuvre de Jean Milo est traversée par la musique, celle des mots et celle des notes, en fond sonore de la gaité qu'il confère à ses toiles.

En peintre - poète ou poète - peintre, il échappe à la classi cation, comme toujours, et donne à voir une émotion incarnée, jouissive, qui pénètre le réel, allant au fond des choses en retirer le sens caché. Son œuvre est donc initiatique au sens de la nécessaire progression des émotions, une forme d'apprivoisement sauvage qui, lentement, nous fait découvrir une grammaire picturale complexe et cohérente, nous conduisant à percer le secret qui est à l'oeuvre, dans un accomplissement progressif de notre jouissance à accéder à sa compréhension du monde.

— Valérie Bach & Constantin Chariot