AUTOPORTRAITS AU QUOTIDIEN

En réunissant pour la première fois 2 séries majeures de deux artistes américains Mélissa Shook et Ken Ohara, toutes les deux produites aux cours des années 1972-1973, la Galerie La Patinoire Royale Bach mets en parallèle deux approches singulières de l’autoportrait. Non pas un autoportrait occasionnel, mais un autoportrait systématique, une gymnastique esthétique, une exigence visuelle en forme de thérapie, comme moyen d’être au monde, ici et maintenant.

Melissa Shook - Daily Self-Portrait 1972-1973

Née à Manhattan, New York en 1939, Melissa Shook a grandi à Port Washington sur Long Island, elle décède en 2020 à Chelsea, Massachussets.

Pour ses 20 ans, alors qu'elle est étudiante au Bard College, son père lui offre un appareil photo Pentax. Son travail photographique devient sérieux lorsqu'elle intègre le cours de Paul Byers "Photography of human behavior" à la Columbia University.

"Curieuse de la question d'identité, j'ai décidé de me photographier tous les jours pendant un an. J'étais intéressée de voir si j'allais oublier cet engagement quotidien que je m'étais fixée. J'étais obsédée par cette question de l'oubli. Avoir oublié ma mère, son visage, son physique, sa personnalité, son comportement à mon égard avant de mourir lorsque j'avais douze ans était une préoccupation constante pour moi. Ne pas souvenir de tout cela signifiait, dans une certaine mesure, devoir me construire sans réminiscence de mes douze premières années et devoir élever une fille sans me souvenir d'avoir été moi-même une enfant."
– Melissa Shook

En 1972, alors que Shook enseignait la photographie dans plusieurs écoles aux Etats-Unis, elle se lança dans une démarche de documentation de son quotidien dans son appartement, parfois avec sa fille, ses amis et son chat. Ses doutes en tant que mère célibataire élevant une enfant bi-raciale furent les motivations principales de sa mission artistique.

Son travail, publié dans le magazine Camera 35, retint l'attention du commissaire du MoMa de New York, John Szarkowski, qui achèta une douzaine de tirages pour la collection du musée en 1975. Shook devient la première femme professeur de photographie au Massachusetts Institute of Technology. En 1979, elle rejoint le département des Arts et d’Histoire de l’Art de l’université du Massachusetts, Boston, et y enseigna la photographie durant 31 ans, laissant une marque indélébile sur plusieurs générations d’étudiants.

Ken Ohara - Diary 1972

Ken Ohara, né à Tokyo en 1942, a étudié brièvement la photographie à la Nihon University avant de s'installer à New York en 1962. Inspiré en partie par le “Diary of a Century" de Jacques Henri Lartigue qu'il a rencontré au studio Avedon, la série exposée dans la grande nef, "Diary 1972", présente un autoportrait quotidien, qu'il appelle "ma vision intérieure de la journée", associé à une photo de paysage, de figure ou de nature morte, prise le même jour, "ma vision extérieur de la journée" et cela pendant huit mois et demi.

L'œuvre, une collection de tirages contact 35 mm, présentée sous la forme d'un livre miniature plié, révèle la documentation intime de lui-même, de sa femme et de son cercle intime à New York, du 15 mars au 28 décembre 1972, pendant l'ère volatile du début des années 1970.

Pour la première fois, la série "Diary 1972" complète est tirée en format plus large (12.7 x 17.8 cm), assemblée par paires également, et est réunie à la Galerie La Patinoire Royale Bach, reprenant les 256 jours du projet original, soit 512 clichés au total.

L'oeuvre de Ken Ohara fut exposée notamment dans l’exposition “New Japanese Photography” en 1974 au MoMa de New York et il fut soutenu pour son livre ONE par le commissaire du musée, John Szarkowski. Il fut également lauréat du Guggenheim Memorial Foundation Fellowship de 1974 à 1975.

Sous le commissariat de Julien Frydman.